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Va chercher de l’eau...

lundi 4 juillet 2011, par Paule Vermylen-Milamant

"Va chercher de l’eau", commandait la grand-mère à ma sœur aînée.

Le garde champêtre venait d’annoncer que les fontaines publiques resteraient ouvertes durant deux petites heures.
On emplissait alors cruches et seaux que l’on rangeait, en rangs bien serrés, sous l’évier.

Comme chaque année ou presque, en été, à Périgneux, la sécheresse sévissait.

Déjà qu’en temps ordinaire,
la corvée de l’eau ne nous amusait guère.

En effet, à la pompe, il fallait les deux mains d’une fillette
pour lever et abaisser le lourd balancier.
La fontaine fonctionnait un peu comme un moulin à poivre,
il fallait faire tourner son chapeau, ce n’était pas rigolo !
Et au puits, il fallait tirer sur la corde, et tirer droit !
Et le seau plein, il fallait le porter....

Mais alors, quand l’eau se faisait rare tout se compliquait :

L’eau étant précieuse, il ne fallait pas la gaspiller !
A l’insu de ma grand-mère,
au goulot de la cruche, je la buvais à la dérobée...

Cette grand-mère là, très sévère, je ne l’aimais guère,
et cependant elle avait bien des misères,
pour assurer la propreté dont elle était si fière.

Les lavoirs à sec, les femmes devaient à la rivière
aller laver le linge de la maisonnée.
Cela leur prenait la journée.
Parfois, ma grand-mère m’emmenait, et, après la lessive,
dans l’eau fraîche du “Bonson”, me faisait reluire.
Parfois, elle me laissait à la garde du grand-père
et s’en allait avec ma sœur, plus grande et plus alerte
_ c’est qu’au retour, mon poids ajouté à celui du linge mouillé,
alourdissait par trop la brouette !

Un jour où j’étais ainsi laissée à la garde du grand-père : il s’endormit.
N’ayant, ni jouet, ni sucrerie pour tromper mon ennui,
transformer l’eau de l’arrosoir en lait mousseux
en y diluant avec application la brique de savon
fut pour moi, le temps d’une récréation,
où mon imagination m’offrait enfin un jeu merveilleux...

Soudain, une grêle de coups sur moi s’abattit !
Je m’évanouis, de peur sans doute plus que de douleur,
- Ce fut ma sœur qui plus tard me le raconta -
quand grand-père un peu trop tard s’interposa.


Cela peut vous étonner, mais je ne lui en tins pas rigueur,
Songez ! J’avais gaspillé, et de l’eau et du savon !
Et elle rentrait, épuisée, d’une dure journée !

Paule Milamant
été 2008